[René Schoppig, collectionneur d'horlogerie française]

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localisation Bibliothèque municipale de Lyon / P0740 FIGRPT1565B 03
technique 1 photographie positive : tirage noir et blanc ; 15 x 20 cm (épr.)
historique Grâce à l'acharnement d'un amateur stéphanois, le musée Crozatier du Puy-en-Velay peut présenter un panorama sur quatre siècles d'horlogerie française à poids.
historique Pour mesurer le temps, il y eut d'abord les cadrans solaires, les horloges à feu chinoises, les cierges et lampes à huile gradués, les sabliers et les horloges à eau ou clepsydres. Puis vint l'horloge mécanique à poids... et tout changea. Pendant des siècles, elle allait régler la vie des hommes, du clocher de l'église à l'horloge du salon, avant d'être férocement concurrencée par sa consoeur électrique. Reléguée au grenier, jetée à la ferraille, dépecée et oubliée, laissant le souvenir d'un tic-tac ayant bercé des générations. Un monde finalement peu connu, une mécanique restant souvent mystérieuse, que le Musée Crozatier du Puy-en-Velay permet de découvrir à travers une exposition à la fois riche et originale réalisée en grande partie à partir de l'incomparable collection d'un stéphanois, René Schoppig : "Quatre siècles d'horlogerie française à poids". "C'est une des traditions de notre musée de consacrer, à côté des fonds d'histoire régionale, de peinture, de dentelle, une place d'importance aux sciences et techniques, dans un but de communication didactique. Cette exposition s'inscrit au sein de cette politique" précise le conservateur François-Xavier Amprimoz. "Il faut espérer qu'au delà de cette exposition, qui associe la présentation et l'étude d'horloges rares et par conséquent devenues les moins fascinants de la culture scientifique et technique de toute une époque, une telle démarche débouche un jour sur la création d'une section d'horlogerie ancienne au musée, en parallèle avec l'ouverture d'un atelier spécialisé dans la restauration d'horloges à poids, manière comme une autre de créer des liens entre le musée et l'industrie". Plus de deux cents pièces sont ainsi présentées, soigneusement classées et accompagnées d'un commentaire adéquat. Sans oublier, en complément, un florilège de pièces détachées, cadrans, clés et autres échappements. Point de départ : l'invention de l'échappement justement, organe dont la fonction est d'empêcher, par une chicane, l'emballement du rouage. On ne connait pas l'inventeur mais, couplé à un oscillateur à foliot, il existe dès les premières horloges mécaniques connues, en Angleterre et en France, dès la fin du XIIIe siècle. C'est d'abord l'époque des horloges monumentales qui, du haut des édifices publics ou religieux, scandent la vie des communautés... avec une précision d'une demi-heure à deux heures par jour. Puis, c'est Galilée, "véritable père de l'horlogerie moderne" selon René Schoppig, qui a l'idée d'appliquer le pendule à la mesure du temps. C'est l'arrivée de l'horloge lanterne, puis de la fameuse horloge franc-comtoise. D'une précision singulièrement affinée : moins d'une minute par jour ! Partie du Jura, cette dernière va inonder le monde : plus de deux millions d'exemplaires construits en près de trois siècles. Une fascinante histoire que connait sur le bout du doigt un habitant de Saint-Just-Saint-Rambert, tout près de Saint-Etienne : René Schoppig. Une passion de longue date que cet ancien pilote de l'armée de l'air, aujourd'hui en retraite, partage avec son épouse. "C'est une vieille histoire. Tout jeune marié, je fus muté à côté d'Arcachon. Dans la maison où nous nous sommes installés trônait une magnifique horloge. Ce fut un véritable coup de foudre pour nous. Peu après, en 1952, nous achetions notre première pièce, une horloge de l'époque révolutionnaire que nous avons encore". Passion dévorante donc : "Je passe parfois huit heures de suite à travailler sur les horloges à poids, à les étudier, à les sauver, à les mieux connaitre. Mais attention, en dehors de tous ces circuits commerciaux qui bien souvent entachent le milieu des collectionneurs et des amateurs." Car avec une intransigeance sourcilleuse, René Schoppig traque toute considération qui en matière d'horloge à poids n'est pas d'un désintéressement absolu. "Il y a deux façons d'être collectionneur. Pour avoir de l'argent et pour l'amour de l'art, de la technique et du métier. J'ai choisi cette dernière. Cela ne plait pas toujours à tout le monde. Les groupes de pressions existent, nombreux et puissants... mais je résiste". Il est d'ailleurs passé du stade d'amateur à celui de connaisseur, de réparateur toujours bénévole (certains professionnels s'en offusquent), de chercheur. A soixante ans, il vient de passer sa thèse de doctorat sur le sujet. Avec mention. Après un énorme livre dont seul le premier des trois volumes est paru ("Divergences avec l'éditeur", avoue-t-il). La foi donc, et l'intransigeance du puriste : "Notre patrimoine est immense, en Auvergne surtout, mais il a été vendu, dépecé, malmené, quand est venu le temps du formica. Il y a vingt ans des camions entiers d'horloges partaient en Hollande, aux USA. On étudie peu ce domaine, les antiquaires et les commissaires-priseurs n'y connaissent souvent pas grand chose... mais après-tout que m'importe ! On me met parfois des bâtons dans les roues mais cela m'indiffère. Même les coups-bas. Il me reste ma passion, mes recherches et ma collection". Soigneusement dissimulé ici et là, réunie exceptionnellement le temps de l'exposition du Puy, cet ensemble unique au monde de plus de deux cents pièces pourrait constituer l'embryon d'un musée... Mais René Schoppig est sceptique : "En France, tout est centralisé, tout est administratif. On accepte les donations... et puis au lieu de les mettre en valeur on les oublie au fond des caves. Il faut que le créateur s'efface. Je voudrais que cette collection soit visible par tous, mais je refuse de m'effacer, d'en être dépossédé. Alors, je poursuis ma route en solitaire. Et s'il le faut, un jour je détruirais ma collection..." Toujours la passion ! Source : "Le collectionneur du temps" / Gérard Corneloup in Lyon Figaro, 17 septembre 1987, p.40.
note bibliographique Quatre siècles d'horlogerie française à poids : musée Crozatier au Puy-en-Velay, 11 mai - 15 août 1985 : catalogue de l'exposition par René Schoppig, 1985 [BM Lyon, K 110374].

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